Récit d’une expérience singulière lors des Ateliers d’analyse de l’activité à HELMo-Esas
Delphine Mathy et Pierre Etienne enseignent à HELMo-Esas dans la Section Animation Socioculturelle et sportive. Cette formation nécessite une articulation importante entre l’activité concrète sur le terrain, lors des stages et l’encadrement, à l’école, lors des Ateliers d’analyse de l’activité. Ils nous racontent comment ils ont maintenu cet encadrement en période de confinement…
L’importance du terrain.
Le travail d’un animateur est indissociablement lié au terrain. Généralement, il s’adresse davantage à des groupes qu’à des individus et doit composer avec les interactions complexes qui traversent les collectifs. Une telle réalité est difficilement reproductible dans une salle de classe.
Préparer les étudiant(e)s à ces situations de travail social, sans cesse inédites, nécessite une approche pédagogique spécifique. Plus précisément, cette formation se caractérise par un couple de dispositifs étroitement liés : les Stages et les Ateliers d’analyse de l’activité. Les stages permettent la pratique réelle sur le terrain, les Ateliers permettent l’accompagnement pédagogique sur base de cette activité. Tout au long du cursus, le nombre d’heures consacrées à la pratique réelle sur le terrain augmente. Parallèlement, les Ateliers d’analyse de l’activité organisés hebdomadairement à l’école se multiplient.
Ces Ateliers permettent non seulement un accompagnement organisationnel et logistique de la période de stage, mais également une supervision et une analyse des pratiques. Ils sont un maillon important dans la construction professionnelle des étudiants.
Il va de soi que ce dispositif est extrêmement difficile à maintenir dans le cadre d’un enseignement à distance…
Organiser des Ateliers d’analyse à distance…
Lorsque le confinement a été décrété, les étudiants des blocs 1 et 2 avaient déjà fini leurs stages. En revanche, les étudiants du bloc 3 ont vu leurs stages suspendus. Or, en bloc 3, il est prévu que les étudiants se filment sur leur lieu de stage. Ces documents vidéo servent ensuite de support lors des Ateliers. Il nous a semblé tout à fait possible de conserver ce dispositif dans le cadre d’un enseignement en distanciel.
Les Ateliers ont simplement été organisés sur Teams. Les étudiants, se connectaient, visionnaient la vidéo et l’analysaient avec leurs pairs.
Il ne s’agissait pas simplement d’analyser « sa » vidéo, mais aussi celles des autres, ce qui permettait d’étoffer son regard professionnel. Cet outil s’est révélé performant. Il permet aux futurs travailleurs de développer un regard critique. Lorsqu’on fait un « arrêt sur image » dans une séquence d’activité, on y décèle bien plus que ce que l’on peut observer au premier regard, « à chaud ». Cela permet de mieux comprendre l’institution, de formuler des hypothèses sur l’écart entre le prescrit et le réel, de découvrir le public dans sa spécificité, d’observer toutes les forces en présence qui font que l’activité est ce qu’elle est.
Une expérience positive
Notre première inquiétude concernait la fracture numérique et les inégalités qu’elle pouvait engendrer entre les étudiants. Heureusement, ces difficultés ont pu, en partie, être résolues grâce au soutien précieux du service social de HELMo et à l’accompagnement des enseignants du département docial.
Notre seconde inquiétude concernait la qualité du tissu relationnel. Allions- nous conserver un esprit collectif parmi nos étudiants ? Manifestement, ces craintes étaient injustifiées. La qualité relationnelle a été excellente. Nous avons même vu se développer une forme de solidarité. Par exemple, celles et ceux qui n’avaient pas eu l’occasion de filmer une séquence sur leur lieu de stage ont analysé la vidéo d’autres étudiant(e)s. Les étudiants ont échangé et collaboré ; une forme de créativité a pu émerger ce qui a permis de renforcer, nourrir, stimuler un esprit solidaire. Cela constituait un enjeu important pour cette formation. Nous avons notamment observé que les étudiants s'entraidaient dans les analyses de travail et partageaient leurs vidéos, ils partageaient leurs prises de notes réciproques. Cette solidarité dépassait le cadre du cours.
Par ailleurs, cette activité a également permis de maintenir un « rythme scolaire » et de conserver des moments de mise en commun, ce qui, selon les étudiants, a contribué à briser la logique de « distanciation sociale » et d’isolement. Certains étudiants avaient des difficultés à garder le fil, à rester inscrits dans le déroulement classique d'une journée. Nous avons constaté que les étudiants se téléphonaient lorsqu’un d’entre eux décrochait : pour qu’il se connecte, pour le réveiller, pour lui rappeler le rendez-vous... ou tout simplement pour s'inquiéter de la situation de chacun.
Nous avons également enregistré un fort taux de présence. Concrètement : les étudiants ne « séchaient » pas ces séquences d’apprentissage comme ils pourraient le faire à d'autres occasions... Souvent, les étudiants se connectaient avant le cours et restaient après le cours. Bref, ils ne partaient pas ! Cela témoigne de l'importance, pour les enseignants comme pour les étudiants, de continuer à se voir, à échanger et à être ensemble.
Que retenir de cette expérience ?
Il nous semble évident que rien ne peut remplacer l’enseignement en présentiel. Cette expérience nous a été imposée par l’urgence. Néanmoins, elle n’a pas été vaine. Tout d’abord, elle a été l’occasion pour les étudiant(e)s d’expérimenter, à travers cette situation inédite d’apprentissage, un des grands principes de l’analyse de l’activité/des pratiques en travail social : le nécessaire ajustement permanent dans le réel pour rencontrer les attentes du prescrit.
Nous pensons qu'il est important aujourd'hui de continuer de s'interroger avec les étudiant(e)s sur les empreintes durables qu'aura cette période particulière sur les activités d'apprentissage et le travail social en général.
Delphine Mathy
enseignante HELMo ESAS
d.mathy@helmo.be
Pierre Etienne
enseignant HELMo ESAS
p.etienne@helmo.be
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Publié le :
21-06-21