Journée de l'ingénierie pour l'avenir : INSECTA
Ce samedi 13 mai, c'est la Journée mondiale de l’ingénierie pour l’avenir. Revenons à cette occasion sur le projet de recherche INSECTA : un article y est dédié dans le septième numéro du mook Édith paru il y a bientôt deux mois.
LES INSECTES D’ÉLEVAGE COMME BASE DE COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
INTRODUIRE DES PROTÉINES PRODUITES DE FAÇON PLUS DURABLE DANS NOTRE ALIMENTATION ? MERCI LES INSECTES !
Promis, on ne va pas vous inviter à déguster toutes sortes d’insectes moins appétissants les uns que les autres ici ! On va plutôt essayer de comprendre en quoi certains insectes, élevés et transformés selon un process strict et précis, peuvent devenir une source de protéines précieuse pour les publics qui en auraient besoin. Je suis donc partie à la rencontre de la chercheuse Alexia Nectoux, qui m’a accordé un peu de son temps entre deux récoltes de nymphes.
Édith : Bonjour Alexia ! On dirait que les insectes ont la cote au sein de HELMo en ce moment... Je sais que ton projet de recherche s’articule également autour d’eux. Peux-tu nous en dire plus ?
Alexia : Cet engouement actuel est certainement dû au fait que les insectes représentent une solution à envisager et à développer dans divers domaines pour un futur plus durable. Dans le cas du projet de recherche INSECTA auquel j’ai pris part, le but est de développer un complément alimentaire répondant aux besoins spécifiques de certaines populations. Je travaille pour celui-ci dans le cadre du BEWARE Fellowships 2, un programme co-financé par le SPW Recherche et la Commission européenne qui vise à promouvoir la mobilité des chercheurs vers la Wallonie, tout en développant le potentiel scientifique et technologique de cette région. Pour respecter les critères de ce programme, je divise mon temps entre les hautes écoles HELMo (à Liège) et HEPH Condorcet (à Ath) où je collabore avec d’autres chercheurs, et l’entreprise Hedelab située à Mons.
Édith : Quels sont les objectifs poursuivis par cette double collaboration ?
Alexia : Le projet INSECTA vise au développement d’un complément alimentaire hyper-protéiné à base de farine d’insectes d’élevage, qui répondrait aux besoins spécifiques des sportifs et des personnes âgées. Notre objectif est d’étudier l’influence de différents paramètres de l’élevage d’insectes sur la composition nutritionnelle de ces derniers, et d’optimiser le processus de production de farine d’insectes afin que sa composition soit constante, sûre et adaptée à chaque groupe cible. Notre délivrable sera commercialisable sur le marché européen.
Édith : Et où en est le projet, actuellement ?
Alexia : Un premier cahier des charges a été établi sur la base des résultats d’une étude de marché menée auprès des publics cibles, afin de garantir que le produit fini soit au plus proche de leurs attentes et leurs besoins. Les méthodes analytiques adéquates sont en cours de développement afin d’adapter les modes opératoires existants à la matrice spécifique des insectes.
Édith : Quels résultats souhaitez-vous atteindre grâce aux méthodes analytiques validées ?
Alexia : Elles permettront de mesurer les quantités de protéines, acides aminés, acides gras, minéraux et vitamines présentes dans les farines d’insectes, ainsi que de s’assurer que celles-ci ne présentent pas de risques de types toxicologiques et microbiologiques. L’élevage et les prétraitements appliqués aux insectes seront optimisés afin de garantir une qualité nutritionnelle répondant aux besoins spécifiques des publics cibles, ainsi qu’une granulométrie, une « water activity », et une qualité microbiologique et toxicologique optimale. Les procédures de production seront établies conformément aux principes du HACCP et aux normes ISO en vigueur, tout en respectant le bien-être animal et les objectifs de développement durable (ODDs). Nous serons également en mesure, de manière plus générale, de délivrer des protocoles d’analyses nutritionnelles sur la matrice insectes, ainsi qu’un cahier des charges de production de farine de ténébrions garantissant une qualité nutritionnelle spécifique et stable.
LES INSECTES, VOUS TROUVEZ ÇA « BEURK » ?
Ils apportent pourtant une plus-value certaine dans le secteur alimentaire.
Introduire les insectes dans son alimentation ne veut pas nécessairement dire ingérer des araignées grillées, des vers de palmier et autres sauterelles séchées tels quels. L’intégration des insectes dans notre alimentation peut par exemple se présenter sous la forme du développement d’ingrédients produits à partir d’insectes utilisables dans des préparations culinaires, comme c’est en fait déjà le cas avec certains colorants obtenus à partir de cochenilles (le E120) utilisés dans l’industrie agroalimentaire.
Les insectes ont en effet un véritable intérêt environnemental : ils sont disponibles en nombre, leur élevage nécessite peu d’eau, de ressources alimentaires, ou même d’espace, et leur production de CO2 est négligeable en comparaison avec les élevages de bétail ordinaires. De plus, certains d’entre eux présentent également une vraie valeur d’un point de vue nutritionnel.
Leur valorisation n’a pas non plus pour but de remplacer la viande de manière « totalitaire », mais de les intégrer en tant qu’alternative durable et qualitative pour un mode de vie plus sain et résonné. Ici, les compléments alimentaires sont introduits en tant que supplémentation et sous la forme de poudre riche en protéines.
Autant dire que si elle n’était pas précisée sur l’emballage, la provenance de cette dernière ne sauterait pas aux yeux ! Sachez également que toute commercialisation d’insectes destinée à la consommation humaine au sein de l’UE doit bénéficier d’une autorisation « novel food » au niveau européen.
Actuellement, les procédures d’accréditation auprès des Autorités européennes de sécurité des aliments (EFSA) sont en cours, afin d’assurer la sécurité des produits qui pourront être mis sur le marché.
Il est donc très probable que nous voyions fleurir dans les années à venir des alternatives d’ingrédients à base d’insectes, plus durables.
Cet article est extrait du mook Édith 7
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