Upcycling Edith6

Atelier HELMo Mode

Quand la mode devient circulaire, le monde tourne plus rond…

Petit à petit, les codes de l’économie durable gagnent du terrain dans tous les secteurs d’activité. La mode n’échappe pas à cette lame de fond. A HELMo-Mode, le projet UpCycling réconcilie la mode et l’économie circulaire.

MODE ET DURABILITÉ : QU’EST-CE QUE L’UPCYCLING ?

Le mode de la mode et l’industrie textile en général sont régulièrement pointés du doigt pour leur manque de responsabilité économique, écologique et sociale. Pourtant, un nombre croissant de consommateurs écoresponsables souhaitent s’habiller de manière plus respectueuse de la planète et des droits des travailleurs. Certains sont même disposés à accepter le surcoût lié aux différents labels « éthiques ». D’autres, surfant sur l’engouement pour l’esthétique « Vintage », font le choix de s’habiller en seconde main.

Malgré cela, la notion même de « mode », qui suppose des « collections » renouvelées chaque saison — voire même « en continu » pour ce qu’on appelle la « fast fashion » — semble tellement marquée par l’idéal consumériste qu’on voit mal comment la faire entrer dans un modèle économique « durable ».
Pourtant, depuis quelques années, on voit se développer, dans le secteur de la mode, un modèle économique dit « circulaire » dans lequel les composants sont recyclés indéfiniment (ou presque) dans une boucle « production – consommation – recyclage » dans laquelle les éléments recyclés servent de matière première à la production. Dans le domaine de la mode, on appelle « UpCycling » ou « surcyclage » la tendance qui consiste à utiliser les éléments d’une ancienne production comme matière première d’une nouvelle collection.

IL ÉTAIT UNE FOIS UNIKFORM

L’aventure de l’UpCycling à HELMo-Mode commence voici quelques années avec le projet UnikForm porté par Sylvia Verschelden[1].
A l’origine, le projet UnikForm était né d’une demande du secteur hospitalier, qui était à la recherche d’une ligne de vêtements médicaux attrayants répondant à des exigences techniques spécifiques. Il a également débouché sur une réflexion sur ce que pourrait être une tenue qui, lors des proclamations des diplômés HELMo, pourrait jouer le même rôle de « marqueur d’identité académique » que les toges lors des proclamations universitaires. Une petite collection a été dessinée, quelques modèles ont été sélectionnés et finalement produits, en Tunisie, dans le cadre d’un partenariat entre Hautes écoles et entreprises du secteur.
Voilà donc Sylvia Verschelden en route vers la Tunisie avec ses étudiantes. Au cours d’une visite d’entreprise, leur partenaire leur fait la proposition suivante : « Une de nos marques a fait faillite, il nous reste un stock de près de 20.000 pièces, voudriez-vous les UpCycler ? ». Le projet UpCycling était né !

Y A PLUS QU’À…

Dans un premier temps, les étudiants vont travailler sur un ensemble à « UpCycler » constitué d’une trentaine de modèles différents. Chaque étudiant reçoit un « kit » avec un modèle à reconditionner sur base de consignes. L’entreprise se révèle rapidement plus complexe qu’il n’y paraît. Les questions sont nombreuses.
Créatives d’abord : « UpCycler », ce n’est pas seulement recombiner les éléments, faire une nouvelle veste à partir de plusieurs anciennes vestes par exemple, mais créer quelque chose de neuf à partir d’une matière première qui a déjà « vécu ». Les éléments qui composent une veste peuvent devenir des bonnets tricotés, des pantoufles ou des accessoires par exemple…
Techniques ensuite : Comment « démonter » les vêtements ? Comment « récupérer » les éléments valorisables ? Quelles combinaisons de tissus sont possibles, ou pas, pour quel usage, après quel traitement ? Etc.
Economiques enfin : Si la « matière première » est gratuite, sa mise-en-œuvre nécessite davantage d’opérations. Il faut calculer le coût de chacune d’entre elles, éventuellement identifier des acteurs intermédiaires et intégrer ces contraintes dans le projet, etc.
Ce sera la grande leçon de cette première expérience : l’UpCycling est une démarche économique, technique et artistique exigeante, qui doit répondre à un cahier des charges précis et, pour une part, ce cahier des charges n’est pas encore entièrement construit.

QUAND LA PÉDAGOGIE PAR PROJET RENCONTRE LA RECHERCHE

Cette première collaboration avec la Tunisie a sans aucun doute été un succès pédagogique et humain. Elle a également fait apparaitre un intérêt croissant des étudiants pour une approche de la mode plus « verte ». Parallèlement, elle a démontré que l’UpCycling ne nécessitait pas seulement une transformation du regard artistique mais en outre, techniquement et économiquement, de suivre un cahier des charges spécifique.

La démarche « UpCycling » va donc se poursuivre avec les étudiants, mais cette fois avec des partenaires locaux. Le nouveau projet se réalisera en collaboration avec le groupe « Terre ». Plusieurs démarches sont déjà en cours. Par exemple, les étudiants vont aller sélectionner cinq chemises chez « Terre », les « UpCycler » et les exposer dans les locaux de l’entreprise à l’issue d’une sélection qui verra les meilleures réalisations être récompensées. Dans le même temps, toujours en collaboration avec « Terre » une réflexion plus large est menée sur la récupération des déchets de tissu et leur revalorisation sous diverses formes. Et ce n’est pas tout. Une collaboration avec une école de mode à Gand se dessine et des discussions sont en cours avec des entreprises…

Sylvia Verschelden envisage également de faire de ce projet pédagogique le support d’un projet de recherche-action. Le but serait de construire un « manuel de bonne pratiques » des démarches d’UpCycling, avec un volet plus « artistique », identifiant les spécificités de la démarche, et un volet plus technique et économique détaillant le cahier des charges de l’approche UpCycling dans le secteur de la mode.

TÉMOIGNAGE DE SÉBASTIEN DENIES

"Apprendre aux étudiant.e.s à faire de l'Upcycling (Surcyclage) me semble indispensable à l'heure actuelle.!"


Cela peut se faire au départ de vêtements existants (comme c'est le cas pour ce projet), au départ d'accessoires (textiles ou non), au départ de tissus de récupération (draps, nappes,... tissus de déstockage ou d'anciennes collections), ou au départ d'autres matériaux à détourner de leur utilisation première.

La démarche peut démarrer de plusieurs manières : soit en choisissant les "matières premières", soit en se laissant guider par les découvertes. Dans les 2 cas, cela demande d'être très créatif pour réussir à exploiter ce qui existe et le transformer en quelque chose de nouveau. Comme le disent Viktor & Rolf, plus le cadre est restreint, plus cela demande d'être créatif. Pour ce projet, le choix des 5 chemises de départ était important pour se sentir inspiré.e, pour créer une harmonie, et pour avoir suffisamment de tissu pour travailler.

Artistiquement, c'est très différent que de partir d'une feuille blanche. Il faut tenir compte des formes des vêtements choisis, de leurs détails, de leurs finitions, de leurs différences (de tailles, de matières, de couleurs, de motifs,...).

Recréer un vêtement au départ de cinq vêtements permet de jouer avec plus de matières, plus de détails, plus de caractéristiques, plus de "codes". Cela donne aussi plus de liberté pour créer de nouvelles formes, de nouvelles coupes. De nombreuses démarches sont envisageables : décomposition/recomposition, déconstruction/reconstruction, multiplication/répétition d'éléments, travail de plis, de fronces, de volants, drapé, travail en biais, superposition, travail à l'endroit ou à l'envers,...
Au niveau des finitions, il faut penser à une certaine simplicité, avec une pointe d'inventivité, pour, si possible, n'utiliser que des éléments de finitions de récupération (soit venant des 5 chemises de départ, soit d'autres vêtements de seconde main).

Dans une démarche d'économie circulaire, l'idéal serait de penser à la suite, puis à la fin, de la vie du nouveau vêtement. Mais cela demande d'autres réflexions. Une étape à la fois vers une mode meilleure, vers un monde meilleur...

TÉMOIGNAGE DE LAETITIA BRAHAM, DIRECTRICE DE LA SECTION MODE DE HELMO

Il est très important de conscientiser les étudiants aux enjeux du secteur dans lequel ils évoluent.

Des projets de cet ordre sont dès lors fondamentaux pour notre cursus. D’une part, ils permettent une approche concrète et confrontent les étudiants aux contraintes réelles du monde de l’entreprise, et d’autre part, ils permettent une ouverture d’esprit qui les invite à réfléchir à un autre mode de création.

[1] Verschelden, S., « Défilé de mode chez les femmes en blanc… La belle histoire du projet d’UnikForm », in Edith. Histoires de savoirs, 1, 2018, pp. 118-122.